En qualité d’entraîneur et à partir d’un travail de recherche, Je me suis interrogé sur la pertinence de cette exclusivité technique pour la préparation à la performance.
L’analyse de l’activité experte en funboard (Krause, 2001 ; Krause, Saury, 2003) montre que la compétition en vagues ne se résume pas à la réalisation, à l’application de figures techniques répétées à l’entraînement. Ces résultats s’opposent à la conception intuitive de la préparation des coureurs et à la distinction classique entre entraînement et compétition. Cette dernière définit l’entraînement comme le lieu où on apprend, explore, perfectionne, stabilise et automatise de nouvelles techniques et la compétition celui où on reproduit ce qui est vu à l’entraînement et où on exécute un plan (Matveiev, 1983 ; Werchoshanski, 1992). L’étude met en évidence que l’activité compétitive est aussi une activité d’exploration, d’apprentissage qui débouche sur une structuration tactique de la manche dans l’action du funboarder. Elle met en évidence trois caractéristiques fondamentales de l’activité experte :
(1) une organisation spatio-temporelle particulière qui a une fonction adaptative essentielle face aux contraintes dynamiques de la situation,
(2) une interaction du funboarder avec son adversaire et
(3) une interaction avec les juges.
D’une part, l’organisation de l’action de l’expert est planifiée et fortement contrainte par l’espace de navigation (structuré par le vent et les vagues). D’autre part, son action procède aussi fondamentalement d’adaptations situées, co-déterminées par l’activité du funboarder et par les événements de la manche (Suchman, 1987). Il conçoit une stratégie « a priori », mais son activité in situ s’organise à partir d’éléments imprévisibles et non contrôlés, utilisés à la fois comme ressources pour l’action et comme sources d’apprentissages. Son activité témoigne plus d’un engagement exploratoire que d’un engagement exécutoire.
Le compétiteur accorde une importance relative aux contraintes physiques de la situation. Il les utilise pour réduire les incertitudes en construisant son espace de navigation. L’aménagement de l’espace apparaît alors comme un moyen d’asservir l’environnement et de réaliser un plan d’action.
De plus, les aspects sociaux de la situation contraignent son activité. Les juges et les adversaires déterminent des comportements particuliers, qui témoignent que l’activité est « adressée » (Clot, 1999). Elle ne peut être comprise en dehors du réseau des relations dans lequel elle s’inscrit.
Les figures, répétées lors d’entraînement à la production de formes (technique), se font ainsi en dehors de la réalité significative dans laquelle elles s’insèrent pendant la situation compétitive. Elles ne sont pas contraintes par un temps et un espace définis, ni réalisées contre des adversaires, ni même évaluées par des tiers.
L’épreuve de vagues ne se réduit donc pas au solipsisme d’une activité d’adaptation à une tâche technique dans un environnement incertain et fluctuant.
Ainsi, un entraînement basé uniquement sur des aspects techniques n’est pas suffisant pour une préparation complète du coureur.
Biblio:
Clot, Y. (1999). La fonction psychologique du travail. Paris : PUF.
Krause, S. (2001). Analyse sémiologique de l’activité d’un funboarder expert en situation de compétition de vagues dans une perspective d’aides à l’entraînement. Mémoire de DEA (non publié). Université de Nantes.
Krause, S., Saury, J., (2003). De l’analyse de l’activité experte en funboard à la conception d’aides à l’entraînement. In M. Loquet et Y. Léziart, Cultures sportives et artistiques. Formalisation des savoirs professionnels. Pratiques, formations, recherches (pp.325-328). Rennes II : ARIS.
Matveiev, L.P. (1983). Aspects fondamentaux de l’entraînement. Paris : Vigot.
Suchman, L. (1987). Plans and situated action. Cambridge : Cambridge University Press.
Werchoshanski, J.W. (1992). L’entraînement efficace. Paris : PUF.