Être performant à l’épreuve de vague, c’est à la fois, on l’a vu précédemment, faire preuve d’une grande habileté technique et mettre en œuvre des compétences tactiques pour proposer un programme parfaitement réalisé en cohérence avec le niveau des adversaires et pertinent avec les conditions de vent et de vagues.
Pour agir efficacement dans cet environnement incertain et fluctuant, les éléments pris en compte sont nombreux!
En fonction de ses préoccupations, de ses actions déjà réalisées et de son expérience, le waverider attribue du sens à des éléments de la situation. Ces éléments significatifs peuvent être:
- des jugements perceptifs: « je perçois ceci »… par exemple une vague molle qui ouvre à droite… ou le signal sonore de début de heat… ou le bruit de la grosse vague qui casse dans mon dos, etc. ;
- des jugements mnémoniques: « je me rappelle ceci » par exemple le nombre et le type de sauts réalisés par mon adversaire… ou que lors du dernier surf je suis sorti un peu tard de la vague… ou j’avais décidé dans mon plan stratégique de ne pas surfer en début de heat… etc. ;
- ou des jugements proprioceptifs: « je fais ceci » par exemple je navigue face aux vagues… ou je fais un roller backside… etc..
Le sens qui émerge des différents éléments sur lesquels se focalise le funboarder réduit et détermine alors le champ des possibles. Par exemple, le jugement perceptif de la vague molle qui ouvre à droite va déterminer un type de surf associé à ce type de vague. Le waverider expert saura y associer une action pertinente…
Vers quels éléments s’oriente l’activité perceptive lors du heat de vague?
- Les signaux de la direction de course. Ils forment des éléments de découpage temporel du heat: début du temps de préparation, début et fin du heat. Le temps de préparation doit vous permettre de vous placer au mieux sur le spot pour mettre en œuvre le plus rapidement possible ce que vous voulez proposer aux juges en début de heat (un saut? un surf?). L’objectif étant de pouvoir lors du signal du début de heat envoyer un saut ou un surf directement après l’envoi du drapeau vert. Pendant le heat, vous devez contrôler régulièrement le temps qu’il vous reste avant la fin… mais attention de ne pas être constamment sur sa montre!
- Les jugements de l’évolution et de la localisation de ou des adversaires doivent être réguliers. Vous devez pouvoir dans la mesure du possible évaluer le nombre et le niveau de performance de leurs figures, percevoir s’ils rencontrent des difficultés… ils détermineront le niveau de performance qu’il vous reste à réaliser.
- Les configurations vagues/vent, c’est-à-dire l’orientation du vent par rapport au déplacement des vagues. Cette orientation vous ouvre des possibles de surfs ou de sauts. En fonction de l’angle vent/déplacement des vagues, certaines possibilités de sauts et de surfs sont accordées (par exemple sauts tribord et bâbord dans le cas d’un vent on-shore, surfs backside et frontside dans le cas d’un vent side shore, etc.). De plus, cet angle détermine le niveau de difficulté de passage de la barre et donc influence votre prise de risque et votre tactique.
- Le jugement de vos trajectoires par rapport aux vagues ouvre évidemment là aussi des possibles: dans un vent side, side on ou off, face aux vagues, les sauts, et inversement, vagues dans le dos… les surfs… Là où ça se complique un peu c’est dans un vent parfaitement on shore… d’autant plus s’il est instable en direction…
- L’intensité du vent est un élément à prendre en compte. Il se traduit par des sensations de pression dans les bras et par les sensations de vitesse. Attention parce que cette estimation est en partie subjective parce qu’elle peut souvent dépendre de la surface de voile utilisée… on a toujours l’impression qu’il n’y a pas de vent quand on n’a pas fait le bon choix de voile… Alors plutôt que de râler pendant 10 minutes, il vaut mieux aller rapidement changer… idem lorsque vous êtes surtoilé…
- La configuration des vagues lors des sauts, des surfs et des passages de mousse. Les vagues peuvent avoir des configurations différentes, mousse, déferlante creuse, molle… ou houle. Lors des passages de mousse, estimez bien la taille et déterminez l’endroit le moins puissant pour passer. Lors des sauts et des surfs, la taille, la pente et le sens de déferlement va permettre de mieux réaliser un certain type de saut ou surf… par exemple une vague à pente raide permettra de prendre de la hauteur pour passer un Late frontloop…
- Votre situation par rapport aux vagues. Ce jugement perceptif est de deux ordres: le jugement de votre situation par rapport au découpage de l’espace de navigation (shore break, zone des pics et zone de houle) et le jugement de votre situation par rapport à une vague (distance au pic lors d’un saut ou d’un surf par exemple).
- L’appréciation de votre vitesse est une donnée importante pour l’action. Ce jugement proprioceptif est permanent, en « arrière plan » pendant tout le heat, c’est une préoccupation perpétuelle en funboard pour la navigation au planing. En vagues, le focus sur la vitesse passe au tout premier plan lors de certaines situations:
- Variations de vitesse volontaires, par exemple:
- prendre de la vitesse lors des passages de mousse ou juste avant les sauts,
- en reprendre rapidement après la réception d’un saut,
- ralentir pour attendre une vague de surf,
- réguler et accélérer lors des surfs,
- Variations de vitesse involontaire, par exemple:
- relancer lors d’une baisse de l’intensité du vent,
- reprendre de la vitesse après passage de mousse.
- Variations de vitesse volontaires, par exemple:
- Vos actions déjà réalisées peuvent fonder un jugement mnémonique qui peut prendre du sens et déterminer vos actions futures. Prendre en compte le nombre et le niveau de performance des figures réalisées permet de guider ses décisions, décider de modifier son plan, de monter son niveau de prise de risque…
- Le jugement des éléments techniques que vous réalisez. Ils se font à deux niveaux, pendant et après l’exécution de la figure ou du surf.
- Le premier niveau est constitué des jugements pour le contrôle de l’action. Ils sont d’ordre spatio-temporels (altitude, distance au pic, etc…), d’ordre proprioceptifs (dynamisme de la rotation, vrillage des jambes, force développée par les bras, etc…) ou d’ordre vélocimétriques (vitesse à l’impulsion, à la relance, vitesse par rapport à la vague surfée…).
- Le deuxième niveau est constitué des jugements de la figure réalisée pour l’estimer sur une échelle de points en relation avec les modalités officielles de jugement. Pour les sauts, les éléments qui priment sont l’altitude, le dynamisme, la tonicité, la vitesse d’exécution, le niveau d’enfoncement dans l’eau et la reprise de vitesse à l’atterrissage. Pour les surfs, les éléments importants sont l’alternance des côtés de surf sur une vague, la longueur du surf, la taille de la vague, le niveau de difficulté des figures, leur nombre pendant le surf, leur exécution au pic.